poetics+positions

EXTRAITS de–EXCERPTS FROM–

LÏTTÉRÃMÛNDÌ II La Nouvelle Épopée

(Paris: Editions Caracteres, 2022)

II.
GENÈSE(S):
ÉVOLUTIONS ET
ILLUMINATIONS

// 1.

Née de nécessités. Née de perspicacités. Née d’ex-
périmentations… La nouvelle épopée est née depuis une

décennie…

Lancée dans une galerie à New York? Ou plutôt, pen-
dant qu’on faisait le tour de la planète comme des bohémiens

écrivant en plusieurs langues,
défiant les structures,
les matériaux,
les rituels
de la lecture, de l’écriture – et de la littérature…
… Ou bien…
Incertaine, demeure sa date de naissance… Pas une
date précise – mais un début fluide ?
Lancée peut-être, sans prévisions, dans cette galerie,
alors que tu ne connaissais pas du tout son avenir, sa
trajectoire…
Ô déités qui me soutiendront, n’avons-nous pas
écrit, au sens d’une pleine écriture, n’avons-nous pas écrit
des fragments de cette épopée sous des tas de formats, sur
des tas de supports non conventionnels, dans des espaces,
sur des murs, dans les casernes, sur des feuilles de papiers
que l’on abandonnait au vent?
Et à travers diverses explorations du temps… Des
incantations orales, des cris éphémères dans le vide, dans
le noir, dans les champs…
Comme des néobohémiens inventant les litclips –
les textes vidéographiques – les scriptages, les take-a-texts,
les nouveaux rituels de l’écriture…

  • 15 –

Genèse(s) : Évolutions et illuminations

Dans des sites spécifiques, et dans des types spécifiques

de sites – où la place, l’environnement, les dynamiques de l’es-
pace se prêtaient à de nouveaux types d’aventures littéraires…

Des conversations, des chants, des interactions qui
jouaient sur diverses caractéristiques de la lecture…

C’était donc une reconnaissance de ces aventures scriptu-
rales insolites et de leurs organisations sous l’égide d’un seul système,

sous l’édit d’une seule œuvre, qui se révélait à notre esprit.
Là, le coup de génie, d’une certaine manière, là, la
trouvaille, la touche, le point final : dans la création de connexions,
de liens, et de réseaux entre ces divers types d’écritures.
Là, la vision : dans la création d’UN SEUL cadre, dans la
création d’un seul système, d’un seul contenant, d’une seule ŒUVRE,
qui intègre, de manière complètement non gratuite, et non
superflue – c’est-à-dire en pensant et en écrivant à travers les
nouvelles formes et les nouvelles méthodes – et à travers ce
nouveau contenant, justement – des fragments en langues
diverses et en styles divers sur divers appuis.
Là : dans la création d’une œuvre qui introduit en
même temps un nouveau vocabulaire, de nouvelles catégories, une
nouvelle vision des relations entre les êtres et l’univers, et qui introduit
une nouvelle forme – une toute nouvelle forme qui permet une
toute nouvelle liberté…

Là : dans la création d’un seul cadre, dans la concep-
tualisation et l’implantation, d’une seule œuvre – l’épopée, la nouvelle

épopée, ÉPÏKÂNÕVÀ!

// 2.
C’était aussi l’histoire d’aperçus simultanés dans

plusieurs dimensions, un rassemblement de nécessités, un rassem-
blement de préoccupations, de révélations, d’illuminations.

Une prise de conscience des possibilités, et leur synthèse sous
l’édit de cette nouvelle forme, qui construit un nouveau discours, une
nouvelle épistémologie aussi, et une nouvelle «existance/scriptance» –
c’est dire, un nouveau régime d’exister, de circuler, d’observer,
d’étudier, de noter, et d’écrire.

  • 16 –

LÏTTÉRÃMÛNDÌ II La Nouvelle Épopée

Là, la joie, là, la jouissance de plonger et de s’immerger
dans la pleine écriture de cette nouvelle épopée: un nouveau régime
du devenir.
La nouvelle épopée, c’est la solution d’une équation
complexe – et qui finalement est en quête d’une élégance et d’une
simplicité – et une invitation à tous: de nous rejoindre dans
cette « existance/scriptance ».
Certains éléments de cette équation et de ces visions
de l’écriture se donnaient simultanément et tous ensemble
convergeaient vers la création du concept de la nouvelle
épopée… Et d’une nouvelle réalité…

a.
Tu voulais écrire partout – sur les murs, sur le sol, sur
les parquets – sur des supports différents, naturels et artificiels,
et en faire la version finale !
Non pas des brouillons qu’un jour tu allais apporter
à des soutiens traditionnels, mais les versions finales, qui,
justement, existeraient peut-être en version unique, et inviteraient
à une toute autre dégustation de textes, à des expériences uniques.
Pas de graffiti, ou de notes, ou un quelconque genre portant
déjà un nom – mais ces nouvelles entités façonnant de nouveaux genres!

b.
Tu voulais bouger et, physiquement,

bouger et écrire, bouger et demeurer en mou-
vement pendant que tu écrivais, tout en ayant

des systèmes de distribution différents!
Bougécrire! Une modalité inattendue
de créations de versions finales de textes!
Tu formulais le concept, tu étais un
adepte, tu voulais le codifier !

c.
Tu voulais écrire avec des instruments différents. Avec
des couleurs différentes.
Traces différentes. Tu savais que l’instrument aussi pouvait
générer la pensée, la phrase, le texte, le penser-phraser: l’instrument
scriptural autant que n’importe quel autre élément!

  • 17 –

Genèse(s) : Évolutions et illuminations

Or, on écrit avec un nombre limité d’instruments, et
tu voulais explorer, exploiter, les possibilités de l’invention

littéraire, tu voulais inventer des sous-couches de littéra-
tures à travers l’intégration, et les interventions, de nouveaux

instruments d’écritures.
Tu aimes bien ta plume
Tu adores même ta plume c’est vrai
Mais t’aimes aussi
Ton crayon
Tes couteaux
Tes ciseaux
Et ton portable et
Ton ordi bidon

Pour écrire sur les murs, les trottoirs et les plafonds !

C’est comme ça que tu commençais ta petite ode aux instru-
ments, et aux surfaces, de l’écriture. Et elle continuait, ta petite

ode – toujours et sans cesse, elle continuait, aussi bien en
tant qu’ode, qu’en tant qu’écrit.

d.
Tu avais aperçu l’étrangeté des systèmes
de diffusion. Les nouvelles technologies ne
t’avaient pas uniquement séduit pour les
utiliser, mais avaient éclairci le fait que l’on
utilisait désormais des modes de distributions
très réduits, très limités.
Tu voulais une émancipation des modes de
distribution – et ceci s’alignait avec ton désir
profond d’écrire avec plein d’outils, tout le
temps, partout, sur des supports différents.
Des textes à exemplaires uniques, que
ça pouvait générer – qu’ils soient rédigés avec
un crayon sur un livre fabriqué par toi, ou avec
un stylo sur le mur d’une ruelle d’une ville
ancienne ou une feuille d’un arbre que le vent
soufflerait au loin – aussi bien que des textes
sans exemplaires, mais disséminés partout…

  • 18 –

LÏTTÉRÃMÛNDÌ II La Nouvelle Épopée

e.
Tu reconnaissais également que ces modes
de diffusion étaient liés à l’industrie du livre, et tu
voulais donc transformer l’industrie du livre, et l’industrie
de la littérature.
Tu n’allais pas reculer devant les actions qui
mettraient en route des changements, des éclatements de
divers caractères de ces industries – et de ces économies.
L’industrie à revoir: tout un champ de possibilités
s’offrent alors à la littérature !
f.
Tu voulais continuer
ta méditation – et tes actions –
sur le livre en tant que tel, et
sur la lecture en tant que tel.
Mais tu ne voulais pas
te limiter au livre et à la lecture
d’un livre, mais intégrer une

mise en route des théories de lec-
tures, des pratiques de lectures,

des théories et pratiques du
livre, au sein d’une seule œuvre.
Une théorie/pratique de
la lecture en route au sein de
cette œuvre.

g.
Tu reconnaissais aussi que certaines
thématiques se prêtaient mieux à certaines
formes d’explorations.
Que certaines thématiques étaient
mieux servies à travers de nouvelles aventures

et au sein de certains rituels et types de cir-
culation générale. Une existance/scriptance qui

s’alliait aux questions de fonds et formes bien
sûr – et les autres paramètres de l’ouvrage
littéraire – pour générer des pièces autonomes
totales (les p.a.t.).

  • 19 –

Genèse(s) : Évolutions et illuminations

h.
Tu avais aussi détecté les possibilités naissantes.
Comment parler de ces possibilités?…

Comment discuter de la perception de ces pos-
sibilités, comment rendre compte de ces possibilités,

sinon à travers une œuvre ?

Tu éprouves aussi, toujours, ce désir, légi-
time, d’innover, de mener les choses en des directions

inattendues. Tout en continuant ton approche sur la
tradition et l’innovation.
Tu voulais pousser, aller de l’avant, même si
cela voulait dire – et continue à vouloir dire – que tu
te trouvais attaqué, pour oser penser qu’il demeure
des moyens d’introduire des nouveautés, qu’il y a

toujours des avant-gardes, et des possibilités d’avant-
gardisme…

i.
Et tu étais prêt aussi à te redéfinir toi-même. Te
définir: pas uniquement à travers ton travail ou tes
fonctions, pas uniquement à travers l’adoption d’une
philosophie ou de nouvelles positions, mais de vrai de
vrai, dans la vie réelle, dans la pratique quotidienne,
dans la pratique de l’existence !
Devenir-autre… Oneself becoming elsewho.
Oneself becoming multiple. Devenir multiple…
Ce constant va-et-vient entre les langues:
oneself becoming other. Devenir autre…
Oneself becoming other – tu répètes! Devenir
autre…
Tu savais que la nouvelle littérature mondiale, que
la nouvelle épopée ne pouvait pas s’écrire en une seule langue!
Et ces caractéristiques, ces manières d’être,
ces personnages que l’on performait – il fallait les
introduire dans le milieu…
Le bohémien qui se donne aux intransigeances
de ses modes circulatoires…
Le solitaire qui marche dans les rues du
monde…

  • 20 –

LÏTTÉRÃMÛNDÌ II La Nouvelle Épopée

Un barde qui se promène avec ses instru-
ments dans les villes anciennes du monde.

Un prophète déguisé sur les dunes de
sable…
Un naufragé seul sur les côtes d’une île
inconnue…

Tous des avatars, d’un même poète du nou-
veau millénaire…

// 3.
Certes: cette conscience des possibilités, cette conscience
de la nécessité d’écrire, pleinement, une nouvelle épopée,
pour pouvoir lancer une nouvelle parole primordiale,

pour exclure les religions et les systèmes qui im-
posent des croyances et des comportements,

et revendiquer la création d’une nouvelle réalité,
cet acte politique extrême,
cette création d’une nouvelle patrie à travers l’écriture
d’une nouvelle épopée :
forment l’épine dorsale, et les raisons d’être, de
cette épopée.
Cette conscience des possibilités ne se manifestait
pas en une seule occasion, une seule fois. Il n’y avait pas
de moment eurêka !
Pas une épiphanie comme on veut toujours faire
croire aux gens.
Pas un moment d’inspiration.
Pas un moment inspiré par les muses –
sorry muses…
Non…
Des années…
Et des années…

De considérations…
De vérifications…
De reconsidérations…

  • 21 –

Genèse(s) : Évolutions et illuminations

Et la conviction…
Qu’il fallait de nouvelles manières
de se lier à l’humanité…

Qu’il fallait une manière de mettre les divers lan-
gages en route les uns avec les autres, au service

d’une littérature inconnue…
Pas forcé, croyez-moi. Pas forcé.

Tu subissais même des délais… Des délais inter-
minables…

Tu hésitais à te lancer. Tu hésitais à t’annoncer. Tu
hésitais à lancer les proclamations…
Jusqu’aux moments, aux journées, aux périodes, où
ceci devenait impossible…
Tu pensais peut-être qu’on arriverait à trouver une
solution, peut-être dans d’autres domaines, à travers d’autres
changements paradigmatiques…

En s’alliant à d’autres, peut-être… À d’autres sys-
tèmes identitaires. À d’autres systèmes qui nous explique-
raient le monde encore…

Sachant trop bien, Ô déités,
que cette nouvelle littérature mondiale,
il fallait la lancer…
Et que cette nouvelle littérature mondiale,
elle avait besoin de sa propre épopée…
ÉPÏKÂNÕVÀ…
Et cette nouvelle épopée allait permettre la création
d’une nouvelle patrie…

// 4.
Ah… De loin… De loin ou de près, je la voyais…
Ô déités inlassables, Ô déités soutenant les derviches
néonomades de ces millénaires, je voyais, là, tout près ou
loin, je voyais la bibliothèque…
Et aujourd’hui encore, je regarde la bibliothèque : les
livres des épopées et leurs nations. Et tout ce qui vient avec…

  • 22 –

LÏTTÉRÃMÛNDÌ II La Nouvelle Épopée

Le Shahnameh… «Tu devrais être fier de ta Culture », tu
entends dans ta tête ! Les Perses. Le grand empire… Et cette
épopée monumentale qui protège une nation! Et la grande
œuvre universelle ! Et on te le rappelle souvent! Le grand
poète persan, et la grande épopée. Tu devrais en être fier!
Et tu en es fier, bien fier, on le sait: t’es bien fier –
et très fier! C’est pas ça le problème, ou la question!
La Chanson de Roland… Personne ne la réclame comme
l’épopée des Francs, mais quand même.
L’Odyssée et l’Iliade… Les grandes épopées, universelles,
peut-être…
Les Canterbury Tales…
La Comédie Divine de Dante – ouverture pour une
nation!
I Am America! L’œuvre de Whitman… Serait-ce l’épopée
d’une nouvelle nation ? Eh bien oui, diraient certains, c’est
l’œuvre d’une nouvelle nation (une nation troublée, mais c’est
pas grave !) – et non, justement, puisqu’elle repose sur des
violences et des conquêtes qui éliminent d’autres épopées
et d’autres nations au sein du même territoire !
Et la nôtre, aussi, sera l’œuvre d’une nouvelle nation!
D’un nouveau type de nation!

Tu pourrais continuer, et continuer… Tu n’as rien
contre l’appartenance – aux nations, aux traditions, aux peuples!
Et pourtant soyons francs! Je n’appartiens à aucune de
ces nations! Et ce concept de nation même ne me convient plus.
Ce concept de nation avec des provinces bien fixes et des
frontières établies…
Donc : aucune des nations spécifiques ne me convient,
et le concept de nation non plus!
La taille, l’ambition, la réalité façonnée, ça, oui – sauf…
Sauf qu’il nous faut une nouvelle nation, une nouvelle langue. Et
une nouvelle mythologie !
L’important: la patrie peut venir – vient très souvent,
ou du moins revient – après l’épopée! L’épopée façonne la
patrie – et pas l’inverse, comme une grande majorité le pense !

Disons plutôt: dans les deux directions que ça va, avec l’épo-
pée qui confirme l’existence/la pertinence de ladite nation…

  • 23 –

Genèse(s) : Évolutions et illuminations

… Et donc… Quant tu regardes la bibliothèque…
…Tu sais qu’il y a une bibliothèque extraordinaire
à construire.
Certes, une nouvelle bibliothèque…
Ah vestige de bibliothèque que j’adore tant! En te
faisant face et en sachant avec une certaine tristesse que ces
épopées ne sont plus valides comme il faut, c’est aussi toi,
ta présence physique avec les volumes physiques que tu refermes, qui
me paraît, aussi, désuet.
Pas démodée, mais limitante! Vieillote! À reconsidérer…
Nouvelle épopée pour une nouvelle non-nation, avec
de nouveaux systèmes de distributions, d’interactions…
Et donc, la littérathèque de l’avenir sera très, très
différente…
L’épopéthèque de l’avenir, qui mettra en route un espace
physique, performatif, et même numérique, yes – un espace
novateur…
Ô peuples flexibles au futur avènement du vertige, ce
grand vertige fabuleux que nous adorons tous tant…
Comme toujours: nous façonnons une nouvelle forme,
une macro et hyper forme, constituée de micro formes et
micro genres, pour aboutir à de nouvelles relations entre
l’être et le monde !
Un nouveau LIVRE, et de nouveaux rituels!
De nouveaux systèmes de croyances!
Pour bâtir une nouvelle nation !
Une nouvelle manière de vivre!

// 5.

Libertés aux nouveaux visages, une nouvelle mytho-
logie se construit… Et la nouvelle épopée, il faut l’écrire…

Il faut écrire l’épopée! Et l’épopée doit être un nouveau type
d’épopée…

Et ces pensées concomitantes, ces éléments, ces consi-
dérations, doivent être mis en route ensemble: des constella-

  • 24 –

LÏTTÉRÃMÛNDÌ II La Nouvelle Épopée

tions d’actions et de méthodes et de genre entreprises tous
ensemble et mises en route, ensemble…
Tu le ressens: une manière de narrer, étant donné
les matériaux qui nous entourent… Certaines sensations
nécessaires… Ces manières de comprendre les phénomènes,
et ces manières d’interagir les uns avec les autres…

Un nouveau système, une nouvelle épopée, une nou-
velle réalité… Pour construire une nouvelle patrie…

// 6.
Nouvelle épopée, pour tout ce que l’époque veut dire,
et tout ce que l’épopée nous apporte.
Mais un nouveau paradigme de l’épopée…
Et les possibilités qui s’offrent à la littérature et à
l’être humain… À travers la littérature…
Et tu va élaborer cette épopée en tenant compte des
variations que tu lui apporteras.
Épopée multilingue d’une nouvelle littérature qui
annoncerait un autre monde…

Fini les associations avec une seule nation. Les ma-
nières de s’attacher à l’une ou l’autre nation ou religion.

Fini

Qu’on t’appelle écrivain ou poète américain
ou iranien ou francophone…
Que tu écrives en une langue et une seule.
Qu’on sache facilement où placer tes livres…
Qu’on insiste sur le fait que tu fasses comme x
ou y pour que les livres soient plus accessibles, tombent
dans la formule, et ainsi se placent aux côtés des autres…
Fini les vieux genres, les formes anciennes…
Et même nos chères et chéries épopées…
Adieu, anciennes épopées,
Adieu adieu – et
Hello, New Epic…
Hellooooohhhhhhh, dis-je
Helloooo-oooohhh-ohhhhh New Epic!

  • 25 –

Genèse(s) : Évolutions et illuminations

La nouvelle vague de la littérature mondiale se lance !
Et la première épopée, la seule épopée,
d’un nouveau monde, d’un nouveau peuple,
se lance…
La nouvelle épopée se lance…
La nouvelle épopée se lance…
Et une nouvelle émancipation avec…
La nouvelle épopée : est lancée…

***

III.
EPIC REBOOT:
TRADITIONS ET INNOVATIONS

// 1.
Ô poètes Ô bardes et crieurs des places,
Ô nomades et vagabonds,
je suis des vôtres!
Tout comme vous, je préfère sac au dos

marcher le long des trottoirs et des petites
ruelles,
me reposer dans des coins peu fréquentés

composer quelques vers et des chan-
sons,

qui seraient chantés dans des petits salons
dans des petits bars
le long des routes…
Composer des vers et des chansons
Chanter dans les pubs et les salons
O ouais O ouais O ouais
Le long des routes je m’en vais
Barde de ces superbes années
O ouais O ouais O ouais
Bohémien parmi tous récitant mes vers
Poète barde des rues et des ruelles
Écrivant poème
O ouais O ouais O ouais
Mais… mais… mais!
Malgré tout,
je ne pouvais me retenir de lancer la nouvelle

épopée !

  • 27 –

Epic Reboot : Traditions et innovations

Ma perdition! Mon épouvante, d’une certaine
manière, bien qu’un charme aussi ! Comme c’était
séduisant! Combien libérateur!
Mais merde quand même, franchement –
parce que, moi aussi, j’aurais préféré me balader
sur les trottoirs en chantant des p’tites chansons!
Et c’est là que nous sommes tous d’accord,
là que survient le plus important: notre soif, notre
démarche, qui vise uniquement la libération… Le
désir d’être libre.
J’ai dû théoriser, formuler les fondements,
modeler les contours. Mais une fois les structures
établies, les bases de même, il nous fallait, il nous

faudra, écrire, à travers et au sein même de la struc-
ture et des formes de la nouvelle épopée. Justement!

Plutôt que de griffonner au sein d’autres formats
et formes, on écrira au sein même de l’épopée…
Et ensuite, on sera libre… Tout libre, pour
continuer le chemin, le long de routes inconnues…
Pour chanter encore :
Chanter le refrain du libre cantor
Qui s’en va sur les pistes tout heureux
O ouais O ouais O ouais…

Vas-y, bohémien qui doit – doit! – se lancer dans
cette aventure ! Répète : tu conserves, tu étreins, le fondement
philosophique et fonctionnel de l’épopée – son sens et sa fonction
principale – tout en modifiant les données-clés de l’épopée pour
justement définir la nouvelle épopée.
Les deux sont essentielles: la tradition, et les opérations
menées pour accélérer l’innovation. Les éléments de la tradition
radicalement transformés tout en faisant signe à la tradition,
et le sens profond de l’épopée sauvegardé pour justement
pointer vers la nécessité de la nouvelle épopée.

Les éléments sont transformés à travers des re-
cherches, des gestes, des opérations qui dévoilent la spécificité

de l’œuvre et son appartenance à la lignée de l’épopée, tout
en démasquant les opérations qui la transforment.

  • 28 –

LÏTTÉRÃMÛNDÌ II La Nouvelle Épopée

Des principes et des gestes très particuliers, très
rigoureux, dis-je, très précis, très spécifiques, façonnent
cette nouvelle épopée – reposant sur des transformations

des caractères de l’épopée classique… Des opérations né-
cessaires sur les fondements spécifiques de ce qui justement

constitue une épopée…
Old epic needs a reboot ! Il faut le dire, et le réclamer.
L’épopée a besoin d’un rebootage!

// 2.
Texte fondateur
Debout seul dans un champ
sur les détritus d’un monde écroulé
dans un désert inconnu
en plein milieu d’une ville dévastée
bouche bée
le cri se lance :
Tu es fatigué
fatigué par les monstruosités de tes peuples

et il te faut un monde nouveau !
L’image d’un fondement… D’une république…
D’une grande parole…
Symbole d’un renouveau… D’une relance… D’une
renaissance…

Ces images et ces symboles viendront… S’érige-
ront… S’étaleront…

Mais au début, il faut la volonté. Le désir. Il faut
sentir le besoin – et la nécessité !

Ô déités, pardonnez-nous notre hermétisme,
notre urgence, notre audace, car…
Ce qui est conservé dans notre épopée, sans
votre présence ostentatoire, en tant que fonction, est

  • 29 –

Epic Reboot : Traditions et innovations

le rôle d’un texte fondateur. Un texte non pas enraciné
dans les mythes et les histoires et les contes d’un pays
existant ou légendaire, non pas d’une nation dont il
génère un schéma narratif, un peu comme les autres
épopées – ou plutôt, comme on conçoit et présente
ces épopées – mais au contraire, un texte qui bâtit des

ancrages sur les ruines de ces nations, avec des avenirs ima-
ginés et incertains, inventant toute une nouvelle patrie!

Et si, souvent, les épopées défendaient aussi
un pays contre des invasions, ou même inventaient
la nation et certains mythes d’un pays en voie de
développement, notre épopée dressait, tout court, le
pays inconnu, le patrimoine non existant, notre demeure.
On hisse haut ce rôle primordial, ce rôle fondateur,
pour dresser, inventer, une nouvelle patrie – une patrie
postnationale, posttransnationale même, à frontières
fluides, aux mouvements tenaces, divers.
Il faut répéter: c’est l’épopée qui donne forme à
la patrie, qui la lance – et pas l’inverse !
Une patrie qui n’en est pas une – et que l’on
revendique, avec férocité.
Genèse, donc, de ce nouvel univers. Genèse
d’une croissance, d’une naissance. D’une vérité que
l’on invente.
Générée par le poète… Le poète d’un nouveau
monde. Le nouveau poète d’un nouveau monde.

// 3.
Formes narratives
La forme narrative, l’essentielle, est conservée dans
ton épopée.
Mais une forme narrative dérivée de multiples formes
narratives.
Histoires. Récits. Contes. Légendes, fables, odes.

Tous s’intègrent au sein de cette épopée qui conte, désor-
mais, une histoire, aussi composée et compliquée soit-elle…

  • 30 –

LÏTTÉRÃMÛNDÌ II La Nouvelle Épopée

Juxtapositions de formes narratives, fusions (au pluriel
– multiples types de fusions aussi) de formes narratives.
Juxtapositions et fusions qui ont lieu aussi bien au niveau
microscopique (un petit canto, un court texte) qu’à une plus
grande échelle.
Ta forme narrative jouera aussi perpétuellement sur
des tas et des tas de dimensions narratologiques. Disons même
qu’une des inspirations, une excuse pour écrire cette épopée,
c’est d’explorer les possibilités de la narration pour représenter le
monde différemment. C’est donc, comme toujours, un travail
qui tente de trouver, découvrir, les possibilités de la littérature.

// 4.
Narrateur(s)
Ainsi, tes narrateurs changeront, et la
voix traditionnelle des épopées, c’est-à-dire
celle du narrateur omniscient, deviendra
multiple et ambigue.
Tu joueras de cette manière avec les

fondements même de l’omniscience, du tout-puis-
sant, du narrateur-maître. Tu déconstruiras

l’idée du narrateur-maître, le concept du
narrateur tout-voyant, et tu le remplaceras
avec de multiples voix – multiples omnisciences.
Tu fondes ton exploration sur l’épopée
(genre qui se fonde sur les actions héroïques
du narrateur omniscient) pour reconstruire le
sens et les possibilités de ce que cela veut bien
dire : le narrateur omniscient fragmenté, démultiplié,
ambigu, hétérogène, et simultanément…
Le narrateur principal devenant
autre… Devenant multiple… Et la place
donnée, finalement, aux marginalisés…

Le héros principal, le narrateur prin-
cipal, en situation de métamorphose…

Être multiple, à travers toute l’écriture de

  • 31 –

Epic Reboot : Traditions et innovations

l’écriture: se donner la permission de devenir
multiple, sauvage, primitif, charnel.
Ô lecteur, rejoins-moi dans cette aventure !
Et donne-toi le droit de devenir autre !
Je, est une fiction. Je, c’est « moix ».
Et –
Tu :
Est – avec un «t»:
l’Autre.

// 5.
Plateformes, supports, instruments
Et ces histoires, et ces légendes, et ces mythes,
et ces contes, et ces ghazals, et ces textes…
Se manifesteront sur plusieurs plateformes, sur
plusieurs médias – et à travers ces médias et plateformes.
C’est-à-dire qu’un même récit pourra se lancer par
une manifestation typographique en de multiples

éditions sur papier (assez conventionnel) mais conti-
nuer avec des fragments sur internet, ou être inscrit

à la main en édition unique.
Les supports, c’est dire : non seulement les
voies technologiques, mais les anciens supports qui
donnent lieu à une expérience véritablement novatrice,
à cause, justement, des changements de conventions et
des habitudes et des comportements de notre époque:
le tract à exemplaire unique, ou un rouleau, ou bien
même ce que j’appelle les litclips – des clips vidéos que
l’on appelle des textualités littéraires menées sur la matière

filmographique. Ou bien sur des feuilles de papier aban-
données, ou bien sur des murs de villes inconnues…

Avec des outils différents, des soutiens diffé-
rents, des manières différentes de conserver, d’archiver,

de documenter – et, également, de distribuer…

  • 32 –

LÏTTÉRÃMÛNDÌ II La Nouvelle Épopée

// 6.
Matières – des oralités aux
scripturalités

Les traditions orales de l’épo-
pée ! Les possibilités qu’offre la dissé-
mination orale ! Les réverbérations!

Les possibilités de changements!
Les possibilités d’improvisation et
d’intervention !

L’épopée traditionnelle s’ins-
crit, d’une certaine manière, sur des

bases orales. Et nous aussi, nous
étreignons cette tradition, et toutes
les possibilités qui viennent avec.
Mais tout ce qui est possible
uniquement à travers l’écrit aussi. Ces
possibilités depuis longtemps ouvrent
des chemins pour n’importe quelle
épopée, mais aujourd’hui encore plus.
Aussi : les fondements de
l’expression de l’épopée ne sont
pas uniquement basés sur le langage
écrit et oral, si même l’ampleur de

notre exploration de l’oral, et l’am-
pleur de notre exploration de l’écrit,

s’étendent.

Nos matières aussi sont va-
riées – des matières qui ne s’asso-
cient pas d’habitude à la littérature.

Les litclips, les litpics, les interventions
publiques: tout un univers s’offre à
la littérature à travers ces gestes, et
les opérations suivies, de l’épopée de
littératurer (rendre littérature) ce qui
tombe dans d’autres domaines: film,
vidéo, performance, photographie,
que l’on transforme en textualités. Le
support de cette expression poétique

  • 33 –

Epic Reboot : Traditions et innovations

donc, n’est pas uniquement la voix (ou
l’oralité), ou le visuel et le texte écrit,
mais s’étend dans d’autres domaines,
tout en demeurant, et ceci est crucial,
tout en demeurant LITTÉRATURE,
et canto de l’épopée.
Pas des petites vidéos ou des
films ou des photos de textes ou des
graffitis donc, quand on inclut ce qui

ressemble justement à ce que l’on dé-
signerait d’habitude de cette manière,

dans ÉPÏKÂNÕVÀ. Ce sont, plutôt,
des litclips et des litpics, par exemple,

qui s’intègrent dans l’ampleur de l’ex-
ploitation de l’épopée pour façonner des

fragments poétiques au sein même
de cette épopée.
Épopée littéraire donc, épopée
littéraire – et non multimédia – qui
transforme ces autres médias en des

fragments poétiques littéraires qui s’ins-
crivent dans le cadre de l’épopée.

// 7.
Expression poétique et décalages
Cette aventure a lieu dans le cadre d’une expression
poétique, et à travers des formes poétiques et des genres poétiques,
avec des figures de style et des stratégies qui font signe à
l’essence poétique de l’épopée.
Si la forme de beaucoup d’autres épopées est fixée
– que ce soit dans une certaine oralité, ou dans une forme
inventée ou existante – le propre de notre épopée est d’être

tout le temps, comme un caméléon, en situation de métamor-
phose. Au sein d’un dispositif qui génère des mutations et

des variations (des shifts), des décalages, dans les styles et
les formes du texte.

  • 34 –

LÏTTÉRÃMÛNDÌ II La Nouvelle Épopée

Non seulement à l’intérieur de certains genres, mais
même, dans le cadre du passage de la prose à la poésie. Du
passage d’un certain ton à un autre. Du passage de l’oral
à l’écrit. Des formes existantes utilisées en tant que telles,
des formes poétiques transformées subtilement, des formes
poétiques inventées.
D’un certain rythme à un autre, d’un certain flux à
un autre, de multiples points de vues, de multiples fusions
pour façonner un texte novateur.
Alors que les épopées anciennes conservaient leurs
formes, la nôtre se trouve dans une situation fluide. Les
connexions entre cantos pas toujours reconnaissables. Le
fait que certains fragments appartiennent à l’épopée, aussi,

est loin d’être évident. La régularité, les formules et les di-
mensions intentionnellement fixes des autres épopées – aussi

originales et uniques qu’elles soient – ne sont pas présentes
dans cette nouvelle épopée.
Ici, un changement constant. Une dérégulation des
formes. Un constant décentrement des règles et des lois qui
la régissent. Une espèce peu reconnue…

Un renouvellement et un décalage – constant – à l’inté-
rieur de sa propre logique, de son propre déferlement. De

son propre devenir…

// 8.
Espaces et univers
Comme toute épopée, les registres
du concret et de la fantaisie, de l’imaginaire
et de la fiction, se mélangent pour dresser
tout un univers…

Comme toute épopée, dans cette am-
pleur et cette étendue temporelle, tu es lancé

dans le surnaturel, le supernaturel, l’irrationnel,
le merveilleux: non seulement au niveau des
caractères, des personnages, des êtres hybrides

qui, dit-on, n’existent pas, mais aussi dans les ac-
tions, les juxtapositions formelles et stylistiques.

  • 35 –

Epic Reboot : Traditions et innovations

Au sein des textes et des représentations donc, mais
aussi au sein de l’espace physique, tu introduis des procédés qui
pourraient relever de la magie, de la sorcellerie, des rituels.
Ce type d’actions déferle dans le cadre de l’œuvre, ET
dans l’espace réel.
Pas des œuvres d’art, ou des performances, mais des
cantos qui justement amènent dans le cadre de l’expérience vécue,
dans le domaine d’action de ces narrateurs, les fondements des
libertés thématiques et fantastiques qui existent dans toute épopée.
Les histoires se croisent donc – comme dans toute
épopée… Des histoires multiples racontées séparément et qui
se croisent. Et dans ÉPÏKÂNÕVÀ, ce ne sont pas seulement
les histoires contées dans le domaine de la représentation
qui se croisent à un certain moment, mais les rituels dans
divers espaces géographiques, dans l’univers vécu, aussi bien
que représentationnel…

Et cette occupation simultanée de l’espace de la repré-
sentation, et de l’espace de l’existence et de la circulation vitale,

l’univers fictionnel/imaginaire, et l’univers réel (et l’univers
hyper réel qui nous attend), ces occupations placent l’épopée
dans le cadre du déferlement de notre civilisation, la situe

dans le déferlement actuel de notre univers, avec ses flux, ses accéléra-
tions, ses polylinguismes, et en voie perpétuelle de transformation…

// 9.
Héros
Ô héros nationaux !
Ô héros des légendes
héros lointains et de terres inconnues!
Ô héros de puissances militaires légendaires!
Ô héros divins et hybrides!
Vous reconnaissez votre place centrale dans la logique
de l’épopée ! Dans le sens et le déroulement de toute épopée !
Le sens des divers itinéraires, le sens des histoires, le sens des
rassemblements et des actions qui ont un effet important sur
les intrigues et les directions de l’épopée !

  • 36 –

LÏTTÉRÃMÛNDÌ II La Nouvelle Épopée

Dans le cas de la nouvelle épopée, tu continues la tra-
dition – même si c’est avec des actions déconstructivistes très

proches des idées fondamentales de l’épopée – d’un itinéraire
héroïque, même si les héros sont à masques différents, même si les
héros sont perpétuellement transformés, même si les métamorphoses
des héros ont lieu sans que nous nous en rendions compte.
Ô héros de notre nouvelle épopée,
braves et divins guerriers, vous n’avez rien
de moins que les grands héros classiques des
épopées classiques. Nos héros aussi guident
et sauvent un peuple ! Sauf…
Sauf que les questions fondamentales
qui se posent au sein de notre épopée, quant
aux héros, sont multiples. Quel est notre
peuple, justement?! Où donc est le salut?
Comment et qui combattre ? Qui sont nos
alliés, qui les ennemis?! Guerrier de quoi,
de qui, pour qui, pour quoi?

Ô guerriers héroïques de notre épo-
pée, Ô guerriers héroïques tout court, nous

nous vantons de vos capacités et de vos carac-
téristiques c’est sûr, mais où donc, et comment

donc, Ô guerriers héroïques, mènerons-nous
le combat? Nous dépasserons peut-être les
époques de guerre et de violence, et nous
arriverons à une paix, nous promettons!
Si les héros des épopées traditionnelles sont solides,
forts, et à travers leurs exploits, imposants, les tiens sont
douteux (si héroïques aussi), déchirés entre les actions (même
s’ils sont décisifs quand il le faut), et multiples, changeant de
visages, changeant de masques, changeant, certes, de noms!
Les changements entre le «Je » et les

«Il/Elle » et parfois les «Nous»… Ces varia-
tions ne sont pas uniquement existentielles,

  • 37 –

Epic Reboot : Traditions et innovations

mais certes, grammaticales et poétiques, et
finalement créent une fragilité dans la fixité
et la solidité du personnage.
Si dans les autres épopées il y a certitude et fixité, et
des représentations concrètes et régulières, ici, tu crées des

incertitudes, des fragilités, des multiplicités pour tes héros! Pas uni-
quement au niveau de leurs caractères et au niveau de leurs

actions, mais à travers les mécanismes de la production littéraire.
L’ambiguïté est façonnée, des perspectives multiples modelées.
Ainsi, la nature fragile du voyage et des itinéraires est
concrétisée dans le procédé grammatical et littéraire.
Ô épopée de notre époque, nous soutenons le caractère
de nos héros!
Nos héros seront multiples!
Nos héros seront fluides!
Nos héros seront même de temps en temps faibles et fragiles…
Mais nos héros existeront!
Changeant de visages et changeant de masques.
Ils se mélangeront au merveilleux, au réel,
aux humains et surhumains,
aux animaux hybrides.
Tout un monde ancré dans une réalité – et surmontant
cette réalité.
Tout un monde reconstruit, sauvé, réinventé par
nos braves héros…
Héros qui réinventeront à leurs tours…
Qui réinventeront l’existence, et
se réinventeront, eux-mêmes, et leurs mondes…
Comme tout vrai héros!

// 10.
Ampleurs
Épopée veut dire une certaine ampleur!
Ampleur temporelle, ampleur géographique, ampleur d’actions.
Au sein de ton épopée, tu pousses cette ampleur.

  • 38 –

LÏTTÉRÃMÛNDÌ II La Nouvelle Épopée

Tu la pousses dans le registre de la représentation
même, comme toujours – c’est-à-dire : dans la narration du
récit, les géographies, les époques où l’action a lieu.

Tu inclus une énorme diversité dans l’espace géo-
graphique narré et représenté et vécu. Et une ampleur

même dans la logique et les stratégies et la poétique de la
représentation. L’espace/temps/mouvement: les dimensions
de ÉPÏKÂNÕVÀ sont vastes, multiples, fluides, mêmes
inconnues, et invraisemblables…
Plus encore: ton ampleur géographique, physique et temporelle
s’étend dans l’arène de l’expérience vécue, l’expérience des
durées. C’est dire que les divers cantos auront lieu dans divers

sites, et se dérouleront de manière diachronique et multichro-
nique, dans divers espaces physiques et géographiques…

Des cantos qui ressembleront à des performances, et
des actions spécifiques à des sites spécifiques ou des heures
spécifiques…

Et ton ampleur, aussi, cette idée fondamentale et prin-
cipale de l’épopée, l’ampleur, la totalité de l’ampleur, tu l’étends

dans le domaine des paramètres mêmes de l’œuvre : c’est dire
donc, dans les domaines de la constitution même de l’épopée!
Une ampleur linguistique: l’œuvre a lieu, déferle, en
plusieurs langues.
Une ampleur de dissémination : les modalités et les
intensités de distribution sont multiples, et non pas uniques
et conventionnelles. C’est dire qu’un canto pourrait très bien
être transmis de manière conventionnelle (un livre publié en

mille exemplaires distribués à des libraires ou des particu-
liers), mais également partagé de manière clandestine, avec

un public très limité, sur un site inconnu et sans publicité,
aussi bien qu’entrer dans une logique de dissémination
extensive sur une plateforme numérique.
Ou même, certes, des disséminations anonymes pour
des lecteurs toujours invisibles et inconnus: c’est le cas des
feuilles de papier abandonnées dans des branches d’arbres,
c’est le cas des papiers abandonnés aux vents, c’est le cas
des petits opuscules secrèts tracés sur les murs de rues que
nous ne verrons ou ne fréquenterons plus jamais…

  • 39 –

Epic Reboot : Traditions et innovations

Ampleurs multiples:
Ampleur au niveau des objets.
Ampleur au niveau des rituels.
Ampleur dans l’utilisation des espaces de la

page…

Ampleur au niveau des sur-
prises: